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Hélène Trintignan et Alain Clément

 

Autodidacte, Alain Clément nourrit son adolescence et sa jeunesse essentiellement de littérature, de poésie et pratique la gravure qui reste aujourd’hui au carrefour de sa peinture et de sa sculpture. Cet intérêt pour la chose imprimée l’oriente alors vers le domaine de l’édition : revues L’Arbre, 1962 et Dire, 1963 ; Fata Morgana, 1966-1969.   La fin des années 60 est marquée, à l’instar de ses contemporains, par une volonté d’engagement artistique qui se manifeste par des actions publiques en marge de l’institution et se traduit par une pratique très formaliste.

« […] Ce travail de peinture, de dessin et de photographie [de 1971-1972] répondait à un programme et à des définitions […].

Peinture : définie dans son usage social comme “ Imitation faite avec lignes et couleurs, sur une superficie plane, de tout ce qui se voit sous le soleil ”, N. Poussin, 1665. Le texte se terminait par : “ sa fin est une délectation ” cette phrase, alors, n’avait retenu mon attention que dans le sens inversé de la délectation de la fin de la peinture.

Sujet : le format “ Marine ” détermine le choix du sujet. La normalisation en 3 catégories de format des châssis  “ figure ”, “ paysage ”, “ marine ”) recouvre toute la production moderne de la peinture de chevalet.

Composition : la surface est mise au carreau. Chaque surface carrée comporte une information visuelle particulière n’ayant, seule, pas assez de caractéristiques pour permettre son identification avec une réalité extérieure (c’est une photo, une couleur, un trait, une lettre). L’ensemble forme les maillons d’une chaîne d’inscriptions à lire en interactions cumulatives et qui constituent les conditions nécessaires et juste suffisantes pour y reconnaître l’image déconstruite d’un paysage de mer. C’est à la fois l’image de la façon dont est fait ce tableau (formalisme) et ce à quoi il renvoie (naturalisme)[i]. »

Cette radicalité ne diminue pas son appétit de peinture qu’il satisfait, en partie, par la visite des grands musées européens.

Je ne rejette pas la peinture ancienne, au contraire […]. Mon travail, comme toute la peinture moderne, fait redécouvrir [la] peinture ancienne : on n’a jamais parlé à son sujet de la structure du tableau, du geste. Ces peintures maniaient le geste mais on ne l’avait jamais vu[ii]. »   Ce regard sur la peinture ancienne à travers la problématique du geste va ranimer et redéployer le goût d’Alain Clément pour l’immersion en peinture. « Je peux multiplier les exemples de la peinture que j’aime et qui fonde mon plaisir à peindre, des Nymphéas de Monet aux derniers Pollock en passant par l’expérience du bain total de peinture que fut San Rocco ou bien Sardanapale au Louvre. Si, dans les années 80, je me suis fait connaître comme peintre abstrait, c’était dans un contexte où il me fallait choisir mon camp et accepter cette définition parce qu’elle me permettait d’entretenir là des rapports avec la seule peinture qui m’intéressait alors. J’étais porté par les mots de mes amis et les peintres de chez Jean Fournier où je montrais mes tableaux[iii]. »


Le geste s’ancre alors dans une peinture débordante, très physique, mais encore davantage le corps qui place l’artiste au centre de l’action picturale. Comment s’y prend-il ?

« Je voyage dans l’espace de ma toile, c’est un peu dansé, un peu comme si la brosse était une canne, m’aidait constamment à me rééquilibrer dans le parcours. C’est une peinture très dérapée, toujours au bord de la catastrophe, de l’informe : j’appuie le pinceau, et puis cela glisse ; il s’agit toujours de rattraper un déséquilibre. Il en résulte un sentiment très fort d’instabilité. Je n’ai jamais recours à des constructions géométriques, tout est dans l’effusion.

L’outil que j’utilise est plus grand qu’auparavant ; il m’interdit donc tout repère terme à terme avec la toile ; la trace colorée n’est plus à l’échelle de mon doigt, ni de ma main. Dès que je produis une forme, je n’identifie plus immédiatement mon corps en train de peindre. Je suis toujours considérablement plus petit que la forme en train d’apparaître. Il en naît, pour moi, l’expérience d’un certain vertige, d’une certaine monumentalité. Le corps se confronte à une échelle qui le dépasse et le submerge[iv]. » Dans les formats monumentaux du début des années 80, se cristallise l’enjeu principal de l’œuvre en cours et à venir : l’espace. Avec la couleur, ce sont les deux pôles qui construisent les peintures. « Je n'ai jamais fait un seul tableau où j'ai posé une couleur qui me satisfasse à sa première pose. Peut-être que j'aimerais, cela m'ôterait beaucoup d'hésitations et de drames, mais toujours ma couleur est retravaillée. Elle est retravaillée non pas pour qu'elle soit de mieux en mieux, mais pour qu'elle soit de plus en plus vivante de l'intérieur, qu'elle comporte en elle-même la lutte qui fait que l'on passe de l'ombre à la lumière, que l'on passe du caca à la splendeur, que l'on passe du général, par exemple c'est un vert d'eau , à une définition de ce vert d'eau. C'est-à-dire que cela soit doté d'un sens qui soit autre que celui du langage formaliste coloré[v]. »   Alain Clément travaille toujours dans un rapport dialectique. De la même manière qu’il « s’agit toujours de rattraper un déséquilibre », l’ivresse des grands formats va lui permettre le retrait, ou plutôt le recul. Les rapports d’échelle changent, la peinture se fabrique autrement.

« […] Je travaille alternativement la toile posée au sol et redressée contre le mur. Ces deux postures correspondent à deux façons de vivre la peinture. Au sol, je ne vois rien de ce que je fais. Je travaille dans la toile tout autour de mon corps. C’est un sentiment de mélange de moi à la peinture, je suis dans l’inorganisé. À l’inverse, au mur, je travaille par rapport à la forme du tableau. Je vois sa construction à distance. Je peux la contrôler. Il en est de même de la couleur. J’emploie peu de la couleur toute faite, j’en connais les effets. Par contre, beaucoup des couleurs que j’utilise sont faites à partir de poudres, de colorants divers et d’autres matériaux dont je fabrique les médiums[vi]. »

Le début des années 90 marque un tournant radical. Le grand lyrisme coloré laisse la place à un espace architecturé, structuré par la couleur, mis en volume par les valeurs. Jouant un autre rôle, la couleur prend une autre forme. Elle s’étale en pans, tentée par le monochrome, installe des plans dans la peinture, les matérialise, les délimite. Les plans de la peinture agissent rapidement ceux de la sculpture. Alain Clément, après une première tentative de sculpture en douves de chêne, choisit la surface moins connotée du médium. Finalement, il se tourne vers l’acier. « Je peignais avec une brosse trop grosse pour former une écriture, trop étroite pour qu’elle puisse s’identifier à une forme. C’était une bande discontinue séquencée en éléments presque semblables. Cela m’a servi de vocabulaire de base pour les sculptures murales qui décollaient le tableau du plan du mur. Le matériau étant une feuille d’acier découpée en rectangles allongés, l’on restait ainsi très proche du plan du tableau ou des papiers découpés. À chacun de ces éléments est dévolue une couleur puis, dans l’assemblage, cette couleur est utilisée pour renforcer ou diminuer le relief. Elle agit sur le volume. Ce ne sont pas des volumes peints mais la couleur en volume. Elle n’est ni décorative, ni expressive, elle a un rôle optique[vii]. »

À travailler ses formes dans l’espace, le peintre construit aujourd’hui de manière plus radicale tout en s’autorisant davantage de liberté. Le rapport dialectique travaille de la peinture à la sculpture et retour. Plus le dessin s’affirme, plus l’espace est travaillé.

« Toujours cet aller-retour parce que je travaille simultanément dans mes différents ateliers. La gravure aussi procède de ce mouvement, elle en est même le carrefour. Elle me permet de découper des surfaces colorées sur de minces tôles encrées, et de les superposer, gardant les interfaces et la mémoire des plans[viii]. »   En 2007, les sculptures et peintures monumentales de l’année fabriquent un espace où l’humain a sa place, l’œuvre est à son échelle. La tentation de l’architecture est proche. «  [Il s’agit] de l’échelle donc du rapport à notre corps. Une petite sculpture est faite avec la main, elle se regarde comme un objet intime, proche de votre corps. Une sculpture de l’envergure de vos bras est un corps à corps, un face à face où vous vous confrontez avec vous-même. Une plus grande que vous est une maison, un espace où vous vous promenez, elle vous enveloppe, vous êtes dedans. L’échelle, c’est le plus important en sculpture parce qu’inévitablement elle vous révèle, désigne votre place, définit votre identité par rapport à elle. Une sculpture n’est rien sans la confrontation physique avec son regardeur. L’échelle détermine l’espace qui donne l’expression, le sentiment. Je suis très attentif à ces choses. J’aimerais construire des sculptures comme des maisons, comme du mobilier, comme des objets d’usage pour le besoin des hommes, pas des monuments mais des espaces pour le plaisir d’y habiter[ix]. »   Marielle Barascud

[i] Alain Clément, catalogue d’exposition Alain Clément, peinture 71-77, musée Fabre, Montpellier, 13 octobre-6 novembre 1977, non paginé, [1page].
[ii] Alain Clément, op. cit., [1page].
[iii] Alain Clément, éditions Pernod Mécénat, Paris, 1991, entretien avec Yves Michaud, p. 73
[iv] Additif au catalogue d’exposition Alain Clément, Peintures nouvelles, Renault-Recherches Art et Industrie, abbaye de Senanque, 3 septembre-17 octobre 1983, non paginé, entretien avec Delphine Renard, [1page].
[v] Entretien avec Guy Tosatto, réalisé pour le catalogue d’exposition Les formes de la couleur, Carré d’art - Musée d’art contemporain, 19 septembre 1997-25 janvier 1998, éditions Actes Sud-Carré d’art, Arles, 1997, partie non publiée.
[vi] Catalogue d’exposition Alain Clément, Bilder, Institut français de Cologne, 13 janvier-10 février 1989, éditions Galerie Wentzel, Cologne, 1989, entretien avec Karen Wilkin, pp. 8-9.
[vii] « Alain Clément, peintre sculpteur », Art absolument, juin 2007, n° 21, entretien avec Marielle Barascud, pp. 54-56.
[viii] Catalogue d’exposition Alain Clément, 1996-2001, musée Fabre, Montpellier, 1er décembre 2001-10 février 2002, éditions Actes Sud, Arles, 2001, entretien avec Philippe Cyroulnik, p. 136.
[ix] « Alain Clément, peintre sculpteur », op. cit., pp. 56-57

Expositions à la galerie

nov.-dec. 2007 Galerie Hélène Trintignan, Montpellier (exposition personnelle)
mars 2010 ART PARIS, Galerie Hélène Trintignan (exposition collective)
oct.-nov. 2010 Galerie Hélène Trintignan, Montpellier (exposition personnelle)
novembre 2010 Salon du Dessin contemporain, Montpellier, Galerie Hélène Trintignan (exposition collective)
nov.-dec. 2013 "Peintures, sculptures", Galerie Hélène Trintignan, Montpellier (exposition personnelle)
oct.-nov. 2014 "Quarante ans de la galerie", Galerie Hélène Trintignan, Montpellier (exposition collective)